La tête pleine des images de la veille et les muscles un peu lourds, nous abordons cette nouvelle journée sur un rythme alangui.
Se doucher va occuper pleinement la matinée. L’installation sanitaire rustique de notre hébergement impose quelques contraintes. Une première pompe doit remplir un réservoir, une seconde alimenter deux ballons d’eau chaude. La première pompe ne semblant pas remplir son office, nous organisons une chaîne entre le puits dont l’eau nous sert pour les repas, la vaisselle et les WC. Objectif : remplir le dit réservoir.
Mais bien vite, le préposé au puits trouve malin de laisser échapper la corde et le seau… Perplexes, voici nos quatre aventuriers examinant la fosse au fond de laquelle gît désormais l’espoir de pouvoir se doucher.
S’ensuit une série de tentatives ubuesques pour récupérer l’objet de nos convoitises. Tuyau en plastique coudé auquel nous fixons un crochet en fil de fer au moyen d’élastoplast, lourd étai en bois permettant d’atteindre le fonds du puits, mais impossible à manœuvrer… Nous envisageons même de descendre sur une échelle en bois, mais aucun d’entre nous ne se proposant de jouer les plongeurs spéléologues, une solution plus rationnelle s’impose : se rendre au village distant de 500 mètres pour y acquérir un nouveau seau et une corde. Il nous en coûtera 20 yuans (2,60 €) !
Pour finir, Jean-Pierre déniche un pied de biche : attaché à notre corde flambant neuve, nous récupérons le seau naufragé, évitant ainsi de polluer l’eau du puits.
Ouf ! La douche se précise.
L’après midi, nous partons à nouveau à la chasse au trésor, inventoriant la moindre échoppe de Tagong. Bracelets de turquoises, colliers de perles en bois de santal, drapeaux à prières, étoffes diverses, le tout négocié dans un sabir digne de la tour de Babel et à grand renfort de mimes déclenchant souvent l’hilarité.
Patchen nous conduit ensuite à 5 km du village, le long de la rivière. Un lieu sacré donne lieu à une coutume insolite et, selon Jean-Pierre, unique dans cette partie du Tibet.
Chaque famille honore l’esprit de ses ancêtres en faisant graver, sur des rochers, le mantra «Om Mane Padme Um». Prière universelle bouddhiste, dont la traduction ésotérique donne «Ô le joyau dans la fleur de lotus».
Les plus riches s’offrent de magnifiques gravures illustrant les différentes déitées du Panthéon bouddhiste. Les deux versants du cours d’eau se parent ainsi d’une iconographie d’exception. Patchen, fier de nous faire découvrir la gravure réalisée au nom de sa famille, nous en indique le coût : 10 000 yuans (1300 euros).
Fin de cette journée mémorable dans une gargotte où nous dégustons notre meilleure soupe de nouilles, délicieusement parfumée.