Journée à marquer d’une pierre blanche. Pour les paysages, les rencontres, la force spirituelle… Et l’impression d’avoir basculé dans un autre monde, d’avoir changé de planète.
Rien pourtant ne laissait présager un tel déferlement d’émotions. Au lever : ciel gris, battu par un vent froid, lumière terne. Nous enfilons tous nos vêtements chauds. A la sortie du village, un chantier routier, sale et poussiéreux, refroidi encore notre enthousiasme. Dès les premiers pâturages, des clôtures barrent le passage, sans doute pour délimiter les parcelles hivernales pour les troupeaux de yacks.
Le souffle court, une crête à franchir… Comme une porte sur un autre univers. Une plaine immense, limitée au fond par la chaîne du Zhara Lhatse (5850m), encore noyée dans la brume. Des centaines de yaks vont et viennent paisiblement. Mais nos yeux fixent surtout le monastère de Manijago. Les hauts bâtiments blancs et rouges, rehaussés de leurs toits dorés à la feuille d’or, barrent une grande partie de la plaine. Ils représentent à peine la moitié de tous les édifices religieux construits dans cette vallée d’altitude.
Patchen vient d’informer Jean-Pierre par téléphone (et oui, même en ces lieux perdus, le portable fonctionne parfaitement). Une cérémonie importante se déroule dans l’un des édifices.
En arrivant sur place, nous découvrons une ambiance étonnante. Certes les descriptions imagées d’Alexandra David Neel ont sans doute préparé certains d’entre nous à ce spectacle. Mais dans le Tibet d’aujourd’hui, cela semble faire partie d’un monde révolu.
Entre 500 et 600 lamas et nonnes, assis en tailleur, psalmodient des mantras rythmés au son des cloches. Le Tulku, grand maître de cérémonie, du haut de son trône donne le ton.
Une foule colorée de laïcs se presse autour des officiants. Venus en nombre, ils ont apporté des offrandes d’une richesse stupéfiante. Lingots d’or et d’argent, vases anciens, statuettes de divinités d’une incomparable finesse… Sur une table, des liasses de billets de 100 yuans : le montant, colossal, échappe à nos estimations. Toutes ces richesses vont permettre au monastère de s’agrandir encore.
Pour clore la cérémonie, les centaines de religieux d’abord, suivis de tous les laïcs, défilent l’un après l’autre au pied du trône où siège le Tulku. Chacun reçoit sa bénédiction sous forme de l’apposition, sur la tête, d’une statuette de Bouddha.
Le spectacle de tous ces Khampas, mus par une ferveur religieuse difficilement compréhensible pour nous autres occidentaux, nous laisse sans voix.
Uniques étrangers admis à cette cérémonie d’un autre monde, nous sommes interloqués par la bienveillance étonnante dont toutes et tous font preuve à notre égard. Surtout en comparaison de notre civilisation.
Une Kata (écharpe sacrée en soie blanche), remise à chacun d’entre nous, muette invitation à se joindre au cortège, remplira son office. Djuga, le Tulku, ami de longue date de Jean-Pierre, nous accorde sa bénédiction avec un sourire amusé.
L’heure du repas de midi a sonné. Patchen nous invite dans l’une de ses maisons familiales, jouxtant le monastère. Dans un joyeux tohu-bohu, lamas, nonnes et membres de sa famille s’y retrouvent pour un festin tibétain auquel nous sommes conviés. Tsampa, thé au beurre de yack, André découvre la gastronomie locale : aucune expérience ne semble pouvoir le retenir.
Dans la cour du monastère, les nonnes se donnent à fond dans des danses gracieuses.
La fille de Patchen, la ravissante Souan Lhamo (24 ans), mannequin à ses heures, entourée d’une équipe de tournage, témoigne d’un modernisme du dernier cri. Deux mètres plus loin, de jeunes nonnesses confectionnent des Tormas, petites reliques d’argile peintes de couleurs vives. Ici, modernisme et traditions font bon ménage.
Comble de notre bonheur, le soleil brille largement et sur le sentier de retour vers Tagong, la pyramide sommitale du Zhara Lhatse se dévoile dans toute sa splendeur.
20 kilomètres de marche sur les hauts plateaux à 4000 mètres d’altitude, le cumul des émotions vécues… et deux bouteilles d’un excellent vin rouge : bonne nuit les petits !
Magnifique expérience.. qui laisse des souvenirs pour la vie.
对,所以我每年来过塔公